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                     Ma connivence avec le verre a débuté par la réalisation d’urnes funéraires sur lesquelles étaient gravés des Palimpsestes. Doutes et interrogations s’immisçaient dans la matière, jouant aux rythmes cursifs de poèmes de Breton et d’Eluard. Sur certains de ces vases clos, était inscrit "Carpe diem" en braille. Une gravure, un silence qui évoque l’existence et l’interrogation de ce qui lui succède. Les premiers cailloux qui m’ont paru jalonner ce chemin étaient "Le Nœud Des Miroirs" de Breton, le "Tao te King" de Lao Tseu et une très forte envie de vivre ce lien particulier à l’instant que révèle le travail d’un matériau en fusion. Les pièces sont devenues des "Materia prima", des lames, des galets ou conques dans lesquels figure un monde comme la mer, à jamais inachevé. Un de ces espaces qui semble contenir le temps. Elles sont devenues des bombes tranquilles, mémoires d’un passé éruptif, d’un magma subitement pétrifié et vouées à leur longue dissolution dans l’avenir qui les attend. Elles sont devenues des graals, corps suspendus dans une gangue transparente et infranchissable qui semble les extraire des notions de provenance et de durée. 

Elles sont devenus  "Origines". aucun rapport évident avec la matière qui les compose. elles jouent l'ambiguïté de ce qui était, de ce qui est et de ce qui sera.

Elles sont devenues  "Expansions". La porcelaine cloisonnée entre deux couches de verre qui s'expanse au grès du soufflage, se fragmente en îlots opaques, suivant sa densité, son épaisseur et l'épaisseur du verre qui l'environne.

Depuis peu, sont apparues les lumières de sable.  A partir d'une matrice sculptée , une empreinte est réalisée dans du sable. Le verre en fusion versé dans celle-ci  exerce une poussée relative à sa masse et à la résistance de son enveloppe. Ce lent mouvement se prolonge jusqu'au figement de la matière.  Le magma s'accapare les choix mis en place pour prendre forme, ses surfaces racontent la mémoire des poussées.

 

 

                             

                                   

 

                                      Techniquement, mes objets sont coulés ou soufflés de verre. Emaillés et bien souvent engobés à chaud de porcelaine.

L'interaction entre la nature de ces matériaux, les échanges thermiques lors de leurs croisements et la poussée d'un souffle venant perturbé l'ordre établi des surfaces sont autant de facteurs liés à un processus faisant corps et indissociable de ma démarche."



Urnes

Materia Prima

Corps en suspens

Passages

Origines

Dors

                                                                                                 Lumières de sable


Hyalines


et

Installation

Brouillons et réflexions.

Textes Yves Leclair.

Idoles et Tumulus


Orbes

Clairs de terre

Echo

                                                         à Roger Caillois

                             "Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons. Elles n'intéressent ni l'archéologue, ni l'artiste, ni le diamantaire. personne n'en fait des palais, des statues, des bijoux ; ou des digues, des remparts, des tombeaux. Elles ne sont ni utiles ni renommées. leur facettes ne brillent sur aucun anneau, sur aucun diadème. Elles ne publient pas , gravées en caractères ineffaçables, des listes de victoires, des lois d'Empire. Ni bornes, ni stèles, pourtant exposées aux intempéries, mais sans honneur ni révérence, elle n'atteste qu'elles.

L'architecture , la sculpture, la glyptique, la mosaïque, la joaillerie n'en ont rien fait. Elles sont du début de la planète, parfois venues d'une autre étoile. Elles portent alors sur elles la torsion de l'espace comme le stigmate de de leur terrible chute. Elles sont d'avant l'homme; et l'homme, quand il est venu, ne les a pas marqué de l'empreinte de son art, de son industrie. Il ne les a pas manufacturés, les destinant à quel usage trivial, luxueux ou historique. Elles ne perpétuent que leur propre mémoire. Elle ne sont taillées à l'effigie de personne, ni homme, ni bête, ni fable. Elles n'ont connu d'outils que ceux qui servaient à les révéler: le marteau à cliver, pour manifester leur géométrie latente, la meule à polir pour montrer leur grain ou pour réveiller leurs couleurs éteintes. Elles sont demeurées ce qu'elles étaient, parfois plus fraîches et plus lisibles, mais toujours dans leur vérité, elles-mêmes et rien d'autre.  Je parle des pierres que rien n'altéra jamais que la violence des sévices tectoniques et la lente usure qui commença avec le temps, avec elles. Je parle des gemmes avant la taille, des pépites avant la fonte, du gel profond des cristaux avant l'intervention lapidaire.  Je parle des pierres: algèbre, vertige et ordre; des pierres, hymnes et quinconces; des pierres, dards et corolles, orée du songe, ferment et image; de telle pierre pan de chevelure opaque et raide comme mèche de noyée, mais qui ne ruisselle sur aucune tempe, là ou dans un canal bleu devient plus visible et plus vulnérable une sève; de telle pierre papier défroissé, incombustible et saupoudré d'étincelles incertaines; ou vase le plus étanche où danse et prend encore son niveau derrière les seules parois absolues un liquide devant l'eau et qu'il fallut , pour préserver, un cumul de miracles. Je parle des pierres plus âgées que la vie et qui demeure après elle sur les planètes refroidies, quand elle eut la fortune d'y éclore. Je parle des pierres qui n'ont même pas à attendre la mort et qui n'ont rien à faire que laisser glisser sur leur surface le sable, l'averse ou le ressac, la tempête, le temps.

L'homme leur envie la durée, la dureté, l'intransigeance et l'éclat, d'être lisses et impénétrables, et entières même brisées. Elles sont le feu et l'eau dans la même transparence immortelle, visitée parfois de l'iris et parfois d'une buée. elles lui apportent, qui tiennent dans sa paume, la pureté, le froid et la distance des astres, plusieurs sérénités.

Comme qui, parlant des fleurs, laisserait aussi bien la botanique que l'art des jardins et celui des bouquets - et lui resterait encore beaucoup à dire - , ainsi , à mon tour, négligeant la minéralogie, écartant les arts qui des pierres font usage, je parle des pierres nues, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d'une espèce passagère. "

                                                                                                                                                                                    Roger Caillois  , janvier 1966, "Pierres"

 

                                                                                                         images intérieurs et extérieurs de la même pièce.